Jeudi 21 avril 2022
Le magazine "Entreprise & Carrières" a réalisé un grand entretien portant sur les thèmes que j'aborde dans Toxic management (Robert Laffont, 2021). Occasion pour moi de revenir sur la tentation de manipuler qui survient lorsqu'une Direction interdit officiellement à ses cadres de manager par des directives claires, sans pour autant renoncer à orienter les comportements. J'explique par quels procédés se déroule alors ce phénomène sophistiqué qu'est une manipulation managériale au nom des plus nobles ambitions.
Davantage de ressources sur le sujet se trouvent sur le site www.toxicmanagement.fr .
Mardi 5 avril 2022
Le journal "Les Echos" de ce jour a publié quelques "bonnes feuilles" consacrées à la gestion des conflits à distance, extraites de l'ouvrage 10 clés pour préparer mon entreprise au travail à distance que Caroline del Torchio et moi avons co-écrit et publié en janvier 2021 chez Eyrolles. Déjà en août 2021 le même journal en avait publié des extraits centrés sur le changement de pratiques managériales requis par la généralisation du télétravail, à savoir plus de management participatif et une organisation davantage marquée par la mise en réseau de collectifs de travail autonomes.
Lundi 13 décembre 2021
Dans cette interview, le cabinet de conseil Harwell management m'a posé plusieurs questions : "En quoi la crise du Covid présente-t-elle à la fois des opportunités et des risques en termes d'organisation des entreprises ? Quelles seront les clés du succès d'un management hybride présentiel / distanciel, assez nouveau en France ? Comme optimiser le télétravail dans une société de services aujourd'hui ? Sur quels leviers les banques doivent-elles insister pour attirer et garder les talents, qui se tournent plus vers l'entreprenariat ou les startups ? Que pensez-vous des organisations dites horizontales (type holacratie), et que peuvent en apprendre des grands groupes très pyramidaux ? Croyez-vous que les entreprises à mission, ou que les ambitions nouvellement affichées sur les politiques RSE, puissent réellement impacter le dessein de grands groupes bancaires traditionnels ? Comment percevez-vous les évolutions managériales à venir dans les 5/10 ans ?
Aussi ai-je insisté sur le fait que « la vraie difficulté, dans le travail à distance, ce n'est pas le "télé" mais le "travail" », ajoutant que « j'anticipe une montée en puissance des algorithmes, non plus seulement pour prendre des décisions de gestion, mais pour faire des choix managériaux, de recrutement et de promotion individuelle ».
Vendredi 18 juin 2021
Ce statut de lanceur d'alerte, parlons-en. Par un arrêt rendu le 8 juillet 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que, pour que la protection conférée par un tel statut soit reconnue à une personne, il n'est pas nécessaire que soit déjà établi le caractère délictuel ou criminel de ce qu'il dénonce : il suffit que le lanceur d'alerte n'ait pas connaissance de la fausseté des faits en question. Il n'est pas exigé de lui une certitude quant à l'existence d'une infraction pénale, mais seulement des présomptions d'une vraisemblance suffisante. L'auteur doit disposer de raisons probantes de penser qu'il puisse s'agir là de délits, et c'est raisonnablement le cas si ces éléments alertent non seulement l'auteur, mais aussi des personnes raisonnables et dignes de confiance comme des journalistes d'investigation aguerris ou des sociologues universitaires spécialisés dans le monde du travail.
Par exemple, un salarié se trouve fondé à demander à être placé sous le régime protégeant les lanceurs d'alerte s'il dénonce, dans une entreprise :
- des éléments susceptibles de constituer un "management par la peur" (Cass. 06/12/17, société Soredis n°16-10886), un management poussant sciemment certains salariés à la démission et constituant ainsi un « harcèlement moral » (réprimé par le Code du travail à l’art. L. 1152-1 et par le Code pénal à l’art. 222-33-2), voire un « harcèlement moral institutionnel ». Il s'agit là d'un management toxique, attentatoire à la dignité humaine.
- des éléments (comme un classement des salariés poussant certains à la démission) s’apparentant à un forced ranking et dès lors susceptibles de constituer une discrimination (réprimée par le Code du travail à l’art. L. 1132-1 et par le Code pénal à l’art. 225-2).
- des éléments pouvant relever d'une dérive sectaire comme l’utilisation de techniques managériales "propres à altérer le jugement" des employés par l'exercice de "pressions graves ou réitérées" (réprimées par le Code pénal en son art. 223-15-2).
Dans tous les cas, ce n'est pas à lui d'en juger, son devoir citoyen est seulement de le signaler. C'est en tout cas vraisemblablement un manquement au devoir de l'employeur de préserver la santé psychique au travail que la tenue de réunions où des individus s'évanouissent ou ressortent en pleurant : on peut alors raisonnablement considérer que "les modalités et les enjeux étaient manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail" (pour reprendre la formulation retenue par la Cour de cassation dans son jugement n°06-21964 du 28/11/07 au sujet de la pratique des entretiens professionnels dans le groupe Mornay). Il va sans dire que la généralisation de ce type de management, dans une grande entreprise prise en exemple par d'autres, représente "une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général" (loi Sapin 2) par ses conséquences concrètes sur la santé psychique de milliers de salariés.
La Maison des Lanceurs d'alerte relève enfin, comme élément requis pour bénéficier du statut de lanceur d'alerte, l'intérêt public que présentent les informations divulguées, à savoir l'intérêt que les médias et l'opinion publique peuvent trouver à recevoir l'information en cause. C'est manifestement le cas lorsque la révélation du caractère anxiogène de pratiques managériales est venue nourrir le débat public par plusieurs articles dans la presse nationale. Ce débat est celui portant sur la responsabilité sociale des entreprises. On peut ne pas être d'accord avec l'interprétation donnée aux informations factuelles mises à jour, mais on doit pouvoir en débattre sereinement sans se faire intimider ou harceler judiciairement, ce à quoi sert justement la protection des lanceurs d'alerte.
Lundi 14 juin 2021
Une entreprise peut-elle invoquer le fait que l'un de ses salariés ait été licencié par elle pour déclarer irrecevables les critiques de celui-ci à son encontre, au motif qu'il lui en voudrait nécessairement (et qu'il manquerait donc à la "bonne foi") ? Plusieurs choses à ce sujet :
1/ A dire vrai, un licenciement montre plutôt que c'est l'entreprise qui a des griefs à l'égard du salarié, et non l'inverse. Si le salarié avait eu des griefs à l'égard de son employeur, il aurait démissionné.
2/ Le fait qu'il ait été licencié ne saurait suffire à constituer un motif de ressentiment car un licenciement, par lui-même, n'a rien d'offensant. La cessation de la relation de travail par l'une des deux parties fait partie intégrante des règles convenues dès la signature du contrat : l'employeur peut y mettre un terme unilatéralement par le licenciement, l'employé peut y mettre un terme unilatéralement par la démission. Il n'y a rien d'humiliant là-dedans, ni pour l'un, ni pour l'autre. C'était prévu ainsi.
3/ Il est heureux que l'on puisse critiquer sans qu'il y ait aucun motif d'animosité personnelle. C'est même la condition de toute critique pertinente. Un salarié licencié peut très bien n'avoir aucun grief personnel à l'égard de son ancien employeur, parce qu'il en a toujours été bien traité, et pour autant se trouver en franc désaccord avec des pratiques, par exemple managériales, qu'il a vu mises en oeuvre sur d'autres. Ce peut donc être malgré une expérience salariée heureuse, en dépit même de liens affectifs personnellement tissés avec son employeur, donc par simple sentiment du devoir, qu'il témoigne, usant de sa pleine liberté d'expression, celle-ci n'étant plus limitée par le "devoir de loyauté" contractuellement dû à l'employeur. Quand on "libère" un salarié, on ne peut s'étonner qu'il s'en trouve libéré.
Non seulement il est possible de critiquer sans aucune "volonté de nuire" à une personne ou à une entreprise, mais ce peut même être pour la faire progresser, donc par bienveillance.
4/ En tout état de cause, la question ne se pose plus dès lors que les critiques exprimées par ce salarié ont été exprimées avant qu'il ne soit licencié. Il est en effet des cas où le salarié n'a pas attendu, pour critiquer, d'être conduit vers la sortie, mais où ce sont ses critiques qui, tout en n'excédant pas les limites du "devoir de loyauté", l'ont conduit à être licencié (sous divers motifs). On parle alors, sous certaines conditions, de lanceur d'alerte.