Du nouveau, il y en a ! Réflexions sur le monde de l'entreprise, actualités managériales...


Envoyez-moi vos remarques, questions, vitupérations, exaspérations, droits de réponse, demandes de rectifications ou de précisions à thibaud.briere@philos.fr pour que vive le débat.

Lundi 12 février 2024


Mise en ligne de ce podcast de Majelan "Parlons taff", qui m'a ouvert son micro : https://play.majelan.com/programs/08ebefae-5294-4fce-8883-be245d3998c0 (version complète accessible ici)

Joie discrète : avoir pu citer la tirade d'Edouard Baer dans "Astérix et Obélix. Mission Cléopâtre", en toute fin d'émission. 


Lundi 15 janvier 2024


Gaëlle Brunetaud m'a ouvert le micro de son podcast. Le résultat en est accessible sur plusieurs plateformes :
- https://www.deezer.com/fr/episode/593201502
- https://podcast.ausha.co/entrelacs/29
- https://open.spotify.com/episode/38fpygbezyD2pCmkFW2veE 


Les principaux sujets abordés sont : 

   📌  L'intérêt de la philosophie pour les entreprises. 

   📌  L’intérêt d'avoir confiance en la capacité de méfiance de ses collaborateurs. 

   📌  L'importance de préférer les vérités qui blessent aux illusions qui réconfortent. 

   📌  L'importance croissante de savoir discerner le vrai du faux, à l'heure de l'IA générative. 

   📌  L’utilité de l'esprit critique pour détecter les risques de toxicité qui peuvent se cacher dans des pratiques pleines de bonnes intentions.

La philosophie en entreprise, en tant que moyen de renforcer l'esprit critique des salariés, me paraît d'autant plus d'actualité que l'emprise n'a de force que par la faiblesse des moyens qui nous lui opposons. Aujourd’hui, une analyse possible est que si davantage de gens se trouvent sous emprise, c'est parce que nos contemporains sont moins bien outillés en systèmes de défense. Ce serait du fait de la régression des capacités critiques (due au recul de l'enseignement des humanités, à la dégradation du système scolaire, à la prolifération des écrans, etc.), du fait, donc, que les salariés se trouveraient davantage sous domination symbolique, qu'ils éprouveraient plus de difficultés à résister aux sophismes qui leur sont assénés (qui, eux, se professionnalisent).


Jeudi 28 septembre 2023


A la Maison des polytechniciens (Paris), me fut confiée la tâche de traiter de "la face cachée des organisations".


                                                                                Voici donc : 


Lundi 12 décembre 2022


       Timothée Le Vert a eu la gentillesse de me recevoir dans son nouveau podcast Lundi au Soleil, qui explore le futur du travail. 


Je vous propose d’écouter cet épisode dans lequel nous avons discuté de philosophie au travail, de cohérence entrepreneuriale et de management

https://lundiausoleil.io/la-philosophie-au-service-de-la-coherence-organisationnelle/


Dans celui-ci, j'insiste sur la seule valeur ajoutée du philosophe en entreprise : sa capacité à voir vrai et à dire vrai.


Oser s'exposer à un regard critique demande une certaine maturité. 


Mais dès lors que l'on a pris conscience de la fécondité de la contradiction, pour un individu comme pour une organisation, n'y aurait-il pas un intérêt à institutionnaliser, au moins dans les grandes et moyennes entreprises, une fonction critique interne, qu'il s'agisse d'un salarié (indépendant de toute hiérarchie comme de tout syndicat) ou d'un comité de critical friends

« Il faut un fou du roi à chaque patron », relevait Manfred Kets de Vries dans une grande interview pour Le Figaro.

Il faut donc agir aussi au niveau de la gouvernance. Renforcer l'esprit critique des salariés est assurément nécessaire, mais non suffisant. 


Une instance de bonne gouvernance fut promue dans le rapport Notat-Senard de 2018 (intitulé « L’Entreprise, objet d’intérêt collectif ») sous le nom de « Comité des parties prenantes », qui se voulait la traduction, en France, du comité de "critical friends" anglo-saxon. La traduction de comité de "critical friends" par « Comité des parties prenantes » traduit malheureusement surtout l'abandon de la dimension critique qui en fait toute la valeur. A quoi bon, dans ces conditions, un énième comité théodule ?


Il y a bien des vertus à la critique. Toutefois, pour être pertinente, celle-ci doit demeurer bienveillante, compréhensive en tout cas, comme je m'en explique .

« Un ami critique peut être défini comme une personne de confiance qui pose des questions provocantes, fournit des données à examiner sous un autre angle et propose des critiques du travail d'une personne en tant qu'ami. Un ami critique prend le temps de bien comprendre le contexte du travail présenté et les résultats recherchés par la personne ou le groupe. L'ami est un avocat pour le succès de ce travail. » (A. Costa et B. Kallick, "À travers le prisme d'un ami critique", 1993, cités sur la page Wikipedia "Ami critique").


Le caractère insuffisamment critique de nos organisations est ce qui bien souvent les perd : réunions unidirectionnelles, stigmatisation des dissidents, débats pipés, consultations factices, lanceurs d'alerte non écoutés, mécanismes de whistleblowing inopérants, absence de comité de critical friends, Conseils d'administration complaisants car composés de personnes "de confiance" (comprenez : de copains), neutralisation de la "diversité" réduite à une simple variété de points de vue inoffensive, valorisation du consensus au détriment du dissensus, manque de formation à la pensée critique, respect aveugle de l’autorité, etc.
Mon métier consiste à conseiller les organisations pour réduire ces travers qui, pour compréhensibles qu'ils soient, leur sont préjudiciables. 

Mardi 5 juillet 2022

Le podcast "L'Echo des arènes" m'a sollicité pour faire le point sur les tenants et aboutissants de la fonction de philosophe d'entreprise. A ne pas confondre avec un philosophe en entreprise.


Jeudi 21 avril 2022


Le magazine "Entreprise & Carrières" a réalisé un grand entretien portant sur les thèmes que j'aborde dans Toxic management (Robert Laffont, 2021). Occasion pour moi de revenir sur la tentation de manipuler qui survient lorsqu'une Direction interdit officiellement à ses cadres de manager par des directives claires, sans pour autant renoncer à orienter les comportements. J'explique par quels procédés se déroule alors ce phénomène sophistiqué qu'est une manipulation managériale au nom des plus nobles ambitions.
Davantage de ressources sur le sujet se trouvent sur le site www.toxicmanagement.fr .



Mardi 5 avril 2022


Le journal "Les Echos" de ce jour a publié quelques "bonnes feuilles" consacrées à la gestion des conflits à distance, extraites de l'ouvrage 10 clés pour préparer mon entreprise au travail à distance que Caroline del Torchio et moi avons co-écrit et publié en janvier 2021 chez Eyrolles. Déjà en août 2021 le même journal en avait publié des extraits centrés sur le changement de pratiques managériales requises par la généralisation du télétravail, à savoir plus de management participatif et une organisation davantage marquée par la mise en réseau de collectifs de travail autonomes. 



Lundi 13 décembre 2021


Dans cette interview, le cabinet de conseil Harwell management m'a posé plusieurs questions : "En quoi la crise du Covid présente-t-elle à la fois des opportunités et des risques en termes d'organisation des entreprises ? Quelles seront les clés du succès d'un management hybride présentiel / distanciel, assez nouveau en France ? Comme optimiser le télétravail dans une société de services aujourd'hui ? Sur quels leviers les banques doivent-elles insister pour attirer et garder les talents, qui se tournent plus vers l'entreprenariat ou les startups ? Que pensez-vous des organisations dites horizontales (type holacratie), et que peuvent en apprendre des grands groupes très pyramidaux ? Croyez-vous que les entreprises à mission, ou que les ambitions nouvellement affichées sur les politiques RSE, puissent réellement impacter le dessein de grands groupes bancaires traditionnels ? Comment percevez-vous les évolutions managériales à venir dans les 5/10 ans ?

Aussi ai-je insisté sur le fait que « la vraie difficulté, dans le travail à distance, ce n'est pas le "télé" mais le "travail" », ajoutant que « j'anticipe une montée en puissance des algorithmes, non plus seulement pour prendre des décisions de gestion, mais pour faire des choix managériaux, de recrutement et de promotion individuelle ».


Vendredi 18 juin 2021


Ce statut de lanceur d'alerte, parlons-en. Par un arrêt rendu le 8 juillet 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que, pour que la protection conférée par un tel statut soit reconnue à une personne, il n'est pas nécessaire que soit déjà établi le caractère délictuel ou criminel de ce qu'il dénonce : il suffit que le lanceur d'alerte n'ait pas connaissance de la fausseté des faits en question. Il n'est pas exigé de lui une certitude quant à l'existence d'une infraction pénale, mais seulement des présomptions d'une vraisemblance suffisante. L'auteur doit disposer de raisons probantes de penser qu'il puisse s'agir là de délits, et c'est raisonnablement le cas si ces éléments alertent non seulement l'auteur, mais aussi des personnes raisonnables et dignes de confiance comme des journalistes d'investigation aguerris ou des sociologues universitaires spécialisés dans le monde du travail. 

Par exemple, un salarié se trouve fondé à demander à être placé sous le régime protégeant les lanceurs d'alerte s'il dénonce, dans une entreprise :

-            des éléments susceptibles de constituer un "management par la peur" (Cass. 06/12/17, société Soredis n°16-10886), un management poussant sciemment certains salariés à la démission et constituant ainsi un « harcèlement moral » (réprimé par le Code du travail à l’art. L. 1152-1 et par le Code pénal à l’art. 222-33-2), voire un « harcèlement moral institutionnel ». Il s'agit là d'un management toxique, attentatoire à la dignité humaine. 

-            des éléments (comme un classement des salariés poussant certains à la démission) s’apparentant à un forced ranking et dès lors susceptibles de constituer une discrimination (réprimée par le Code du travail à l’art. L. 1132-1 et par le Code pénal à l’art. 225-2).

          des éléments pouvant relever d'une dérive sectaire comme l’utilisation de techniques managériales "propres à altérer le jugement" des employés par l'exercice de "pressions graves ou réitérées" (réprimées par le Code pénal en son art. 223-15-2).

Dans tous les cas, ce n'est pas à lui d'en juger, son devoir citoyen est seulement de le signaler. C'est en tout cas vraisemblablement un manquement au devoir de l'employeur de préserver la santé psychique au travail que la tenue de réunions où des individus s'évanouissent ou ressortent en pleurant : on peut alors raisonnablement considérer que "les modalités et les enjeux étaient manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail" (pour reprendre la formulation retenue par la Cour de cassation dans son jugement n°06-21964 du 28/11/07 au sujet de la pratique des entretiens professionnels dans le groupe Mornay). Il va sans dire que la généralisation de ce type de management, dans une grande entreprise prise en exemple par d'autres, représente "une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général" (loi Sapin 2) par ses conséquences concrètes sur la santé psychique de milliers de salariés.

La Maison des Lanceurs d'alerte relève enfin, comme élément requis pour bénéficier du statut de lanceur d'alerte, l'intérêt public que présentent les informations divulguées, à savoir l'intérêt que les médias et l'opinion publique peuvent trouver à recevoir l'information en cause. C'est manifestement le cas lorsque la révélation du caractère anxiogène de pratiques managériales est venue nourrir le débat public par plusieurs articles dans la presse nationale. Ce débat est celui portant sur la responsabilité sociale des entreprises. On peut ne pas être d'accord avec l'interprétation donnée aux informations factuelles mises à jour, mais on doit pouvoir en débattre sereinement sans se faire intimider ou harceler judiciairement, ce à quoi sert justement la protection des lanceurs d'alerte.


Lundi 14 juin 2021


Une entreprise peut-elle invoquer le fait que l'un de ses salariés ait été licencié par elle pour déclarer irrecevables les critiques de celui-ci à son encontre, au motif qu'il lui en voudrait nécessairement (et qu'il manquerait donc à la "bonne foi") ? Plusieurs choses à ce sujet : 

1/ A dire vrai, un licenciement montre plutôt que c'est l'entreprise qui a des griefs à l'égard du salarié, et non l'inverse. Si le salarié avait eu des griefs à l'égard de son employeur, il aurait démissionné. 

2/ Le fait qu'il ait été licencié ne saurait suffire à constituer un motif de ressentiment car un licenciement, par lui-même, n'a rien d'offensant. La cessation de la relation de travail par l'une des deux parties fait partie intégrante des règles convenues dès la signature du contrat : l'employeur peut y mettre un terme unilatéralement par le licenciement, l'employé peut y mettre un terme unilatéralement par la démission. Il n'y a rien d'humiliant là-dedans, ni pour l'un, ni pour l'autre. C'était prévu ainsi. 

3/ Il est heureux que l'on puisse critiquer sans qu'il y ait aucun motif d'animosité personnelle. C'est même la condition de toute critique pertinente. Un salarié licencié peut très bien n'avoir aucun grief personnel à l'égard de son ancien employeur, parce qu'il en a toujours été bien traité, et pour autant se trouver en franc désaccord avec des pratiques, par exemple managériales, qu'il a vu mises en oeuvre sur d'autres. Ce peut donc être malgré une expérience salariée heureuse, en dépit même de liens affectifs personnellement tissés avec son employeur, donc par simple sentiment du devoir, qu'il témoigne, usant de sa pleine liberté d'expression, celle-ci n'étant plus limitée par le "devoir de loyauté" contractuellement dû à l'employeur. Quand on "libère" un salarié, on ne peut s'étonner qu'il s'en trouve libéré. 

Non seulement il est possible de critiquer sans aucune "volonté de nuire" à une personne ou à une entreprise, mais ce peut même être pour la faire progresser, donc par bienveillance. 

4/ En tout état de cause, la question ne se pose plus dès lors que les critiques exprimées par ce salarié ont été exprimées avant qu'il ne soit licencié. Il est en effet des cas où le salarié n'a pas attendu, pour critiquer, d'être conduit vers la sortie, mais où ce sont ses critiques qui, tout en n'excédant pas les limites du "devoir de loyauté", l'ont conduit à être licencié (sous divers motifs). On parle alors, sous certaines conditions, de lanceur d'alerte. 

Vendredi 28 mai 2021       

La Participation, et donc la démocratie en entreprise, est un thème que j'explore et promeus depuis des années, parce que je crois que c'est une voie à la fois juste et source d'efficacité. En août 2019, j'intervenais à l'Université d'été de la CFDT sur cette question. Pour qu'une entreprise puisse être, sans abus de langage, qualifiée de "démocratie d'entreprise", il faut qu'il y ait en son sein un partage de l'avoir, du savoir et du pouvoir. Quand tout l'avoir est détenu par une même famille et qu'il n'y a pas, de son propre aveu, de contre-pouvoir, il devient grotesque de sa part de travailler à être considérée comme une démocratie. Elle a le droit de le faire, mais on a le devoir de lui répondre.
      Alors j'entends et je comprends les efforts marketing déployés par certaines entreprises, aujourd'hui, pour se faire passer pour démocratiques "en un certain sens", c'est-à-dire quand bien même leur capital ne se trouverait partagé ni avec leurs salariés, ni avec leurs adhérents ou leurs clients. Leur caractère démocratique, selon elles, tiendrait à leur pratique d'un pouvoir hautement participatif et non à leur statut juridique ou à leur situation capitalistique. C'est déjà audacieux, mais pourquoi pas. Il faut alors a minima, comme dit précédemment, vérifier qu'il y a bien présence de contre-pouvoirs dans l'exercice du pouvoir. Dans une décision célèbre, la Cour constitutionnelle allemande, la Bundesverfassungsgericht, rappelait en effet, s'il était besoin, que la démocratie est un régime "régi par le principe de majorité, avec formation régulière d'un gouvernement responsable et une opposition non entravée, laquelle a la possibilité d'accéder, à l'avenir, au gouvernement" (30 juin 2009). On regardera alors avec intérêt la situation des syndicats dans cette entreprise. Quand il est quasi nul, on saura à quoi s'en tenir. 

           Mardi 25 mai 2021


       « Début 2014, le président d’une grande entreprise multinationale me consulta sur une question qui constituait sa préoccupation du moment : l’exécution. Pour faire simple, il indiquait par là sa difficulté à obtenir des "gens" (ses salariés) qu’ils fassent ce qu’il aurait souhaité qu’ils fassent, ce qui constitue à ce jour la définition la plus simple que je connaisse de cette activité que l’on appelle le "management" ». C’est par ces mots que le sociologue François Dupuy entame le deuxième tome de "La Faillite de la pensée managériale" (Lost in management 2, Seuil, 2015, p.13).

Il n’y a rien de plus ambitieux que de vouloir que les autres fassent ce que je veux, quand je connais déjà la difficulté à faire ce que je veux. La plupart du temps en effet, je veux ce que l'on veut que je veuille, et que ce "on" soit social, psychopathologique, ou quoi que ce soit, ne change rien à l'affaire. Non seulement je dois reconnaître, avec Nietzsche, que « ça pense en moi » mais je dois dire, avec Heidegger, que "on" pense en moi : « Nous nous réjouissons comme on se réjouit, nous voyons, nous lisons et nous jugeons de la littérature et de l’art comme on voit et juge, plus encore nous nous séparons de la masse comme on s’en sépare ; nous nous indignons de ce dont on s’indigne ». Il ne va pas de soi d'être soi. 




       Vendredi 23 avril 2021


       Ah, l'inénarrable rapport de certaines entreprises à la vérité... 

Cet article du Figaro relate qu'un élu du Congrès américain faisait état d'une pratique socialement condamnable ayant cours chez Amazon. 

La direction d'Amazon a nié. Elle aurait pu invoquer une cabale ou une campagne de dénigrement. 

« Mais, dit l'article, plusieurs médias avaient par la suite rapporté de nombreux propos d'employés témoignant de l'existence de cette pratique. Le média The Intercept avait également affirmé s'être procuré des documents internes attestant qu'elle était bien connue des responsables de l'entreprise. » 

Fin de partie.