Ma formation est à la fois commerciale (HEC) et philosophique (D.E.A de philosophie à la Sorbonne, suivi de 4 ans comme doctorant).

J'ai travaillé chez Deloitte comme consultant, à la FNAC comme responsable de département, puis dans une communauté d'agglomération. Ainsi que chez AXA Investment Managers (Londres) et aux Caisses d'Epargne. En 2007, j'ai fondé un cabinet de philosophie en entreprise, avant de rentrer chez l'un des clients, un groupe industriel dont je suis devenu pendant sept ans le Chief Philosophy Officer, le directeur délégué à la philosophie de l'organisation. Tout en en dirigeant l'une des filiales, j'exerçais des fonctions de bras droit du dirigeant (Chief of staff, secrétaire général, en charge du management et de l'éthique)

Lauréat de l'Académie des Sciences morales et politiques, je suis, depuis 2016, associé au Programme d'Etudes sur les Organisations Post-managériales et la Libération des Entreprises (P.E.O.P.L.E). Avec Thibault Le Texier, nous avons coordonné en mars 2018 un numéro de la revue Esprit consacré à la démocratie en entreprise. 

Je me suis progressivement spécialisé dans l'analyse et la mise en oeuvre des Nouvelles Formes d'Organisation du Travail (télétravail, gouvernance partagée, entreprise apprenante et en réseau, équipes autonomes, auto-organisation, intraprenariat, co-développement). Connaissant les avantages mais aussi les limites de celles-ci (manipulations...), reflet de la diversité des pratiques, je conseille aujourd'hui les organisations dans leur application raisonnée. 

En QUOI CONSISTE LE TRAVAIL D'Un philosophe D'entreprise ? 


Dans la Cité comme en entreprise, le philosophe joue un rôle essentiellement critique. Ce faisant, il remet en question les habitudes de travail, pointe les préjugés, excipe des conforts. S'il ne dérangeait pas, il n'aurait pas d'utilité. 


Que j'agisse en tant qu'interne à l'organisation ou comme intervenant extérieur, mes missions consistent généralement à :

        1/  Clarifier et verbaliser la philosophie d'entreprise

        2/  Repérer les écarts entre la théorie et la pratique

        3/  Former les managers à une meilleure compréhension de la philosophie maison

        4/  Aider dirigeants et managers à voir leurs propres incohérences de comportement par rapport à leur philosophie d'entreprise officielle

        5/  Communiquer cette philosophie à l'extérieur


Cela suppose une vision constructive de la critique, comme redynamisant l'entreprise pour la faire fonctionner de manière plus cohérente. Le seul ministère du philosophe étant celui de la parole, il se limite à placer ses interlocuteurs face à leurs responsabilités en leur disant franchement les choses, charge à eux d'en tenir compte... ou non

Quelle est ma démarche philosophique, appliquée à l'entreprise ? 

Certains se spécialisent dans l'étude de la philosophie de Leibniz ou de Descartes, je me suis pour ma part spécialisé dans l'étude des philosophies d'entreprises


Mon parti-pris méthodologique est le suivant : je considère qu'après tout, plutôt que de leur faire un procès d'intention, il faut prendre les entreprises au mot et considérer qu'elles ne mentent pas lorsqu'elles affirment avoir une "philosophie d'entreprise". 

La plupart des grandes entreprises aujourd'hui se prévalent en effet d'avoir une telle philosophie, comme on le trouve exprimé sur leur site internet. Partant du principe qu'elles sont sincères, je leur fais confiance a priori. Je les considère comme un auteur (acteur) comme un autre, et je juge sur pièces. J'étudie leur intuition fondatrice, leurs fondements idéologiques, le sens particulier que chacune donne aux mots-valise (autonomie, collaboration, intelligence collective, responsabilité, diversité...), la conception qu'elles se font de l'Homme et de la société, et donc aussi aussi le type d'organisation politique qu'elles mettent en place. J'examine la cohérence interne de leur pensée, mais aussi leur cohérence externe avec leurs réalisations. 

Lorsque des contradictions m'apparaissent, par exemple entre le discours et les actes, je m'efforce de trouver en quel sens celles-ci peuvent néanmoins s'inscrire dans une cohérence supérieure, donc de les dépasser dans le sens d'une plus grande fidélité à la logique de la pensée étudiée. Autrement exprimé, méthodologiquement, pour comprendre vraiment un auteur (ou, en l'occurrence, telle entreprise), je préfère penser que j'ai mal compris sa pensée plutôt que d'en rester à une contradiction que je croirais déceler chez lui, ce qui m'invite à un surcroît d'exigence. Ma démarche est celle adoptée en philosophie quand on étudie un auteur : si je décèle une contradiction chez Aristote, je vais préférer postuler que je l'ai mal compris avant de prétendre lui imputer un défaut logique. Mais cela sans illusion, bien sûr, sur le fait que puissent exister de vraies contradictions, résistantes, qu'il convient alors de dégager. 


C'est pourquoi il arrive souvent que, après avoir aidé à mettre en mots leur philosophie d'entreprise pour disposer d'une base théorique stable (dont la fiabilité est attestée par les dirigeants), je sois chargé d'enseigner cette philosophie, en interne aux salariés mais aussi à l'extérieur, par le biais de petit-déjeuners professionnels, de conférences, d'articles.


Pour résumer : 

1/ Dans un premier temps je formalise la théorie de la philosophie d'entreprise, depuis un point de vue extérieur faisant confiance a priori à ce qu'un certain nombre de dirigeants, managers et salariés m'en disent.

2/ Dans un deuxième temps, je m'efforce de mesurer les écarts entre la théorie et la pratique, de manière à accompagner la transformation de l'entreprise vers plus de fidélité à elle-même.

3/ Dans un troisième temps, je rédige un rapport plus éclairé sur cette entreprise, enrichi des apports de l'expérience. 


Là est le point décisif : seul un a priori de bienveillance initial et durable permet de comprendre en profondeur une entreprise, car pour en rendre intégralement raison, encore faut-il percevoir la légitimité de son point de vue. Le temps passé à défendre la philosophie d'entreprise officielle, à la crédibiliser et à en prévenir les objections permet d'en acquérir une connaissance intime. La bienveillance seule permet d'entrer en empathie avec son objet d'étude, de le comprendre à fond, c'est-à-dire de l'intérieur : tel qu'il se comprend lui-même

Il n’y a que sur le fondement d’une telle bienveillance envers son objet que peut s’établir une véritable critique, car la critique pertinente n’a pas pour objet de réfuter : elle exige de ne pas s’opposer de l’extérieur mais de se mesurer à la pertinence de ce que l’on critique pour ne le dépasser qu’en l’ayant traversé, selon un mouvement nommé par Hegel aufhebung. 


Somme toute, en dégageant des « philosophies » d’entreprise, en essayant de comprendre la logique qui leur est propre, je m’efforce de saisir la nature de telle ou telle entreprise. Qu’est-ce que la nature d’un être, et donc aussi d’une organisation ? L’idée de nature désigne le fait que les réalités de ce monde disposent des propriétés constantes, obéissant à des lois stables, rationnelles. Cette idée a rendu possible rien de moins que la philosophie et, dans son sillage, la science. Ces propriétés, on n’en est pas nécessairement conscient parce qu’elles n'apparaissent pas : « la nature aime à se cacher » (Héraclite). Il faut étudier, déduire, discerner pour les découvrir. La plupart du temps, la raison profonde et le sens de ce que font les acteurs leur échappe. « Les hommes font l’Histoire, mais ils ne savent pas l’Histoire qu’il font », relevait Karl Marx. Comme « sourds et aveugles » (Héraclite encore), ils sont semblables à des dormeurs debout, largement inconscients de ce qu'ils entreprennent. Ce qu’Hermann Broch exprime très bien dans Les Somnambules. Raison de plus pour tenter de les réveiller, en les piquant de quelques critiques et en leur proposant des clés de compréhension.

LES NOUVEAUx modes de management, qu'est-ce à dire ? 

L'ambition des "nouveaux modes de management" est de dépasser ce qu'ils s'imaginent être des limites intrinsèques au management "traditionnel", à savoir son incapacité supposée à susciter suffisamment d'engagement et de confiance. Le management "à la papa" serait répressif et castrateur : communément décrit comme régi par le command and control, il générerait de ce fait frustration et comportement "agentique" (mode automatique) chez les salariés. Le management du monde d'avant étant infantilisant, le néomanagement serait, lui, responsabilisant, et donc essentiellement participatif. Il ne motiverait plus les hommes en tablant sur ce qu'il y a d'animal en eux, "au bâton et à la carotte", en les faisant réagir à des stimulus, mais en les mobilisant par les valeurs, les récits (storytelling), en donnant du sens, donc en s'appuyant sur ce qui est propre à l'homme. En quoi il serait plus humain. 

Porté par un intérêt de philosophie politique, je me suis spécialisé dans l'étude de ces nouvelles formes de travail : intraprenariat, codéveloppement, télétravail généralisé, entreprise "libérée" ou apprenante, sociocratie, gouvernance partagée, équipes autonomes, auto-organisation et tutti quanti (reverse mentoring, servant leadership, digital factory, etc.). 

A des degrés divers, toutes sont présentées comme favorisant l'avènement d'une entreprise plus horizontale, en quoi consisterait "l'entreprise de demain": algorithmique, en réseau, organique et fractale, sinon même démocratique. C'est pourquoi les nouveaux modes de management se complètent par de nouveaux modes d'organisation : leurs tenants entendent substituer une organisation plate, agile et transversale aux organisations classiques, hiérarchiques et en silos, qu'ils tiennent pour verticales, rigides et cloisonnées. Mais il y a loin du discours aux actes, de sorte qu'entre les fantasmes et la réalité, un discernement s'impose.